« Loin du Folklore habituel lié au personnage de Dracula, Stéphane Marti nous invite à nouveau dans son univers luxuriant et baroque, et revisite à sa manière le célèbre mythe fantastique. Délaissant l’anecdote et se jouant de la narration au profit des ambiances et de la plasticité de ses images, il vampirise le personnage pour mieux rendre un hommage respectueux au texte de Bram Stoker, et surtout au Nosferatu de Murnau. A travers ses images d’où suintent le désir et la mort, et en parfaite osmose avec la musique composée par Berndt Deprez, Mira Corpora est une nouvelle symphonie du corps. Un corps englouti de ténèbres ou caressé de lumière, piégé ou magnifié par des architectures angoissantes et des espaces ambigus, dans une relation qui trouve son apogée dans une scène de morsure d’une hallucinante sensualité. Toujours attaché au médium Super 8 dont il est l’un des plus ardents défenseurs, Stéphane Marti a réussi le pari, sur un des sujets les plus traités au cinéma, de faire un film qui ne ressemble à aucun autre, et qui ne pourrait être signé par aucun autre. » Gilles Touzeau « Stéphane Marti eut le désir, il y a quelques années, de réaliser un long métrage fantastique - traditionnel. Le système de production français le déçut vite. Mais le fantastique est souvent interpelé et suscité, dans ses films expérimentaux, par l’agencement baroque des images ou la référence à des archétypes de notre civilisation. On a tous en mémoire le splendide Veau d’or. Avec Mira Corpora, le cinéaste franchit le pas. Le film se présente comme un rite aux psaumes splendides et cryptés. Le Grand Maître de l’Ordre (Marcel Mazé, nouvel acteur fétiche de l’acteur après Aloual) suborne les jeunes proies masculines à l’aide d’un projecteur cinématographique en marche qui grave sur leurs corps des extraits du Nosferatu de Murnau. Ce n’est plus un livre qui sert d’inspiration à l’artiste, mais la matière fluide d’un film qui se greffe directement sur la peau de jeunes éphèbes en d’étranges épousailles. Flesh and celluloid ! Victime sacrificielle, Samuel Ganes, comme Huter dans Nosferatu, traverse allègrement le pont qui le conduit à sa perte et/ou à sa rédemption. Mais le rituel est préparé et mené à terme par deux prêtresses, deux pythies. Sarah Darmon, d’abord, qui nous introduit vers le(s) lieu(x) du culte, et Elodie Jane qui clôt la cérémonie et scelle les âmes à leur destin. Dans nombre de ses œuvres, Marti, chantre dionysiaque de la culture gay, utilise souvent des actrices pour féminiser les corps, les silhouettes et les identités masculines. Cette ambiguïté se retrouve dans Mira Corpora et imprègne la substance même du film et ses flux diégétiques. Métamorphoses, rites de passage, illusion et réalité, film dans le film sont les thèmes et images clés en perpétuelle osmose dans cet opus de Stéphane Marti. » Raphaël Bassan « Dès la première minute, ce miracle : une atmosphère angoissante obtenue par la simple conjonction de plans très courts sur des bouts d’espace, avec de brefs mouvements de caméra et la musique. Aucun personnage encore, mais l’on s’attend au pire. C’est à dire au vampire. Le vampirisme, Stéphane Marti le sait bien, est la métaphore du désir sexuel. Il le prouve en particulier dans une scène d’une sensualité brûlante, où des images Super-8 projetées caressent un corps d’éphèbe nu, victime probable de Nosferatu. A ce moment, Berndt Deprez , dont la bande son incorpore à l’occasion les splendeurs de Stravinsky ou de Mahler, fait silence. Le silence du plaisir. Avec Mira Corpora (en français : corps admirables) Marti se surpasse. Il donne à ces grands films corporels des années 70 une suite et un épanouissement. » Dominique Noguez
Credits