Commande du Musée de la Chasse et de la Nature, Marie Losier (on se
souvient du bouleversant The ballad of Genesis and Lady Jaye et du si
réjouissant Cassandro the Exotico) nous gâte d’un bijou joueur et onirique,
concentré de son univers poétique. Armée de sa caméra 16 mm comme
d’une baguette magique, elle redonne vie aux animaux figés dans l’éternité.
Taxidermisez-moi fait honneur, une fois encore, à son art de la fabrique et
du collage. Corps dorés, camouflés, pourvus de poils, de plumes, de becs,
d’ongles… Le résultat : une explosion de couleurs, de sons, de textures au
coeur de ce musée endormi, découvert comme par le trou d’une serrure.
Célébrant le compagnonnage de la bête et de l’homme, Taxidermisez-moi
se joue des frontières entre le monde animal et celui des hommes. Dans
les yeux des étranges créatures aux aguets qui côtoient ours, cervidés,
oiseaux de toute espèce, se lit une même innocence, un même étonnement.
Quand retentit le bruit du fusil, les étranges créatures, ses amis, s’écroulent,
métamorphosés en renards. Sous l’espièglerie et la douceur premières d’un
monde réenchanté, tout en fêtant l’extraordinaire variété du vivant, Marie
Losier creuse non sans mélancolie ni inquiétude la « question animale ». Le
conte tourne au manifeste, certes modeste, et qui, surprise, emprunte sa voix
à André Malraux, comme un appel à résister.
Peuplé de références, Taxidermisez-moi dessine en filigrane l’idée qu’artistes et
animaux partagent dans leur chair la même condition, menacés du même fusil.
Produire de la beauté comme ultime acte de résistance face à « l’hypothèse
tout à fait fondée d’une planète sans singes et sans animaux sauvages », aller
« sur les lieux de l’art qui sont les lieux où l’on se souvient de cette perte »
(Jean-Christophe Bailly), c’est nous obliger, spectateurs, à penser ce monde
à venir où la beauté du vivant ne saurait se trouver qu’au coeur d’un musée.
(Claire Lasolle)
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