Prétextes a été tourné en une journée, le 7 juillet 1971 chez Michel Maingois (1947-1985), journaliste et cinéaste, qui tenait le rôle de l’acteur. Lors de la pause de midi, il a fait un entretien avec moi paru six mois plus tard dans la revue Zoom. Prétextes était, à l’origine, une série de tests en vue de la préparation d’un long métrage de fiction, Le Jeu, qui ne s’est jamais concrétisé. Avec mon monteur, Richard Tchélébidès, j’ai trouvé un fil conducteur et le film a été organisé dans le sens suivant : un garçon et une fille déjeunent dans un appartement. On les croit amants, mais ce sont des acteurs qui vont accomplir quelques tests en vue de la réalisation d’un film dont l’objet demeure inconnu. À la fin, tout le monde part et les sunlights s’éteignent. On me voit en tant que cinéaste à la fin. Des défauts de montage ont été supprimés en 2001 à L’Abominable, et j’ai conçu, avec Pip Chodorov, une bande-son et fait le générique. Une nouvelle bande sonore a été composée par Jonathan Levine en 2016 pour l’édition en DVD chez Re : Voir Video. « À l’origine de Prétextes des essais pour un long métrage jamais tourné. Dans ces fragments, arrachés à la vie intérieure d’un couple, ce n’est pas la psychologie qui définit l’homme et la femme, mais l’ordonnance de symboles primitifs, d’archétypes. Des cordes sont nouées et rompues, des murs se dressent, les ténèbres séparent les amants. Saisis dans le moment de répétition de leurs rôles, les deux acteurs sont ainsi perméables à toutes les possessions. Il nous semble reconnaître les figures d’Orphée et Eurydice, de Tristan et Iseult, de Roméo et Juliette… Entre les deux personnages s’ouvre ce territoire tragique, celui de la disparition de l’être aimé ; dans la nuit noire de la séparation, l’homme erre en tâtonnant, comme le somnambule assassin du Cabinet du docteur Caligari. Loin de les rattacher au réel, la mise à nu du dispositif cinématographique rend au contraire les situations “étrangement inquiétantes”. Lorsque le tournage s’achève, que les acteurs se détendent et allument une cigarette, sont-ils hors du film ou encore à l’intérieur ? Quand cessent-ils d’en être les personnages ? Ils constituent le point de focalisation du monde, ce qui donne sa réalité au visible. Quand Michèle Samama et Michel Maingois quittent l’appartement, le cadre se déstructure. L’espace construit par les personnages semble s’abolir avec leur disparition. La caméra perd le point, erre dans le décor, et l’image bascule dans le flou. Comme si l’auteur vivait lui-même l’aveuglement, l’anéantissement, provoqué par la perte des figures aimées. » (Stéphane du Mesnildot, mars 2003, Cinéastes.net. ).
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