Au-delà des ombres n’est pas l’histoire de un ou plusieurs personnages, mais la projection des préoccupations, des sentiments, des fantasmes de chacun à travers des êtres qui évoluent dans des espaces ouverts et fermés. Nous vivons dans un monde de violence, d’incommunicabilité où existent cependant la tendresse et la beauté ; c’est ce que ressentent et expriment les personnages du film dans une succession de séquences, de plans, dont la juxtaposition n’obéit pas aux règles de la narrativité. La parole ayant été volontairement éliminée, les intentions du réalisateur, l’expression des sentiments et des idées reposent sur une mise en image/mise en musique expressionniste où s’établit un rapport permanent et dépendant entre les êtres, l’espace et le temps. Long film où le rythme des corps et du monde est changé. (Une vague qui éclate en écume par exemple). Comme dans l’extraordinaire séquence des chambres du Sang d’un poète, et dans le sens du hagard ou de l’extatique, des acteurs inventent de nouveaux rapports du corps et de l’espace, figurent par de nouvelles façons de marcher, de se tordre les mains, de se frôler lentement, toute une psychologie du mal d’être. Les lieux : une pièce, une ville, des rochers, une plage déserte. Rythmant tout, une musique admirable du réalisateur lui-même, avec des effets de réverbération, d’écho, des bruits de voix ; la caméra, tenue (retenue) à la main, participe avec ascétisme à cette mise en étrangeté du réel. . D. Noguez, L’Art Vivant.
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